La liberté de réunion face aux défis de l’activisme environnemental

Alors que la crise climatique s’intensifie, les militants écologistes multiplient les actions pour alerter l’opinion publique. Mais jusqu’où peuvent-ils aller sans enfreindre la loi ? Analyse des enjeux juridiques autour de la liberté de réunion et de l’activisme vert.

Un droit fondamental sous tension

La liberté de réunion est un pilier des démocraties modernes, consacrée par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle permet aux citoyens de se rassembler pacifiquement pour exprimer leurs opinions, y compris sur des sujets environnementaux. Mais ce droit n’est pas absolu et peut être encadré par les autorités pour préserver l’ordre public.

Dans le contexte de l’urgence climatique, de nombreux militants écologistes estiment que des actions plus radicales sont nécessaires pour faire entendre leur message. Blocages, occupations, désobéissance civile : ces nouvelles formes de mobilisation mettent à l’épreuve les limites légales de la liberté de réunion.

Le cadre juridique des manifestations écologistes

En France, les rassemblements sur la voie publique sont soumis à un régime de déclaration préalable auprès des autorités. Celles-ci peuvent interdire une manifestation si elles estiment qu’elle présente des risques de troubles à l’ordre public. Les organisateurs d’une manifestation non déclarée ou interdite s’exposent à des sanctions pénales.

Pour les actions plus disruptives comme les blocages ou les occupations, le Code pénal prévoit plusieurs infractions applicables : entrave à la circulation (article 412-1), dégradations (article 322-1), ou encore participation à un attroupement après sommation de se disperser (article 431-4). Les peines encourues vont de l’amende à plusieurs mois d’emprisonnement.

La jurisprudence en matière d’activisme environnemental

Les tribunaux sont de plus en plus confrontés à des affaires impliquant des militants écologistes. Leur approche tend à évoluer, prenant davantage en compte le contexte de l’urgence climatique. Ainsi, en septembre 2019, le tribunal correctionnel de Lyon a relaxé deux « décrocheurs » de portraits présidentiels au nom de l’état de nécessité, estimant que leur action était proportionnée face à la menace climatique.

Cette décision a toutefois été infirmée en appel, illustrant les divergences d’interprétation sur ces questions. La Cour de cassation a quant à elle confirmé en 2020 la condamnation de militants de Greenpeace pour s’être introduits dans une centrale nucléaire, jugeant que l’état de nécessité ne pouvait justifier une telle action.

Les défis de la régulation des nouvelles formes de protestation

L’essor des réseaux sociaux et des mobilisations spontanées pose de nouveaux défis aux autorités. Comment encadrer des rassemblements qui se forment en quelques heures via les réseaux sociaux ? La loi Sécurité globale de 2021 a tenté d’y répondre en renforçant les pouvoirs de police, mais ses dispositions les plus controversées ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

Le développement de tactiques comme les ZAD (zones à défendre) ou les occupations de longue durée soulève aussi des questions juridiques inédites. Ces modes d’action brouillent les frontières entre manifestation, occupation et établissement de fait, complexifiant l’application du droit.

Vers un nouveau compromis entre liberté de réunion et protection de l’environnement ?

Face à ces évolutions, certains juristes plaident pour une redéfinition du cadre légal de la liberté de réunion. Ils proposent notamment d’introduire une forme d’« exception climatique » qui permettrait de mieux prendre en compte la légitimité des revendications environnementales dans l’appréciation de la légalité des actions militantes.

D’autres soulignent les risques d’une telle approche, qui pourrait ouvrir la voie à des dérives et fragiliser l’État de droit. Le débat reste ouvert, mais une chose est sûre : le droit devra s’adapter pour répondre aux défis posés par l’activisme environnemental, tout en préservant les libertés fondamentales.

L’équilibre entre liberté de réunion et activisme environnemental est un défi majeur pour nos démocraties. Si le droit doit évoluer pour prendre en compte l’urgence climatique, il ne peut le faire au détriment des libertés fondamentales. Un nouveau compromis juridique reste à inventer.