Face à l’explosion du commerce en ligne, la contrefaçon s’est adaptée et prolifère sur internet. Les plateformes de vente en ligne se retrouvent en première ligne pour combattre ce fléau. Quelles sont leurs obligations légales et comment peuvent-elles protéger efficacement les consommateurs et les marques ?
Le cadre juridique de la lutte contre la contrefaçon en ligne
La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 pose les bases du régime de responsabilité des plateformes en ligne. Elle instaure un statut d’hébergeur qui limite leur responsabilité, à condition qu’elles retirent promptement les contenus illicites signalés. Cependant, ce cadre s’est progressivement durci face à l’ampleur du problème de la contrefaçon.
En 2016, la loi pour une République numérique a renforcé les obligations des places de marché en ligne. Elles doivent désormais mettre en place des dispositifs facilement accessibles permettant à toute personne de signaler une contrefaçon. La directive européenne sur le commerce électronique fixe quant à elle un cadre harmonisé au niveau de l’UE.
Plus récemment, le Digital Services Act européen adopté en 2022 impose de nouvelles obligations aux très grandes plateformes en matière de modération des contenus, dont la contrefaçon. Il prévoit notamment des amendes pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial en cas de manquements répétés.
Les obligations de vigilance et de réactivité des e-commerçants
Les sites de commerce en ligne ont d’abord une obligation générale de vigilance. Ils doivent mettre en place des mesures préventives pour limiter la mise en vente de contrefaçons sur leur plateforme. Cela passe par exemple par des procédures de vérification de l’identité des vendeurs ou des contrôles aléatoires des produits mis en vente.
Ils ont ensuite une obligation de réactivité face aux signalements de contrefaçon. La loi leur impose de retirer ou rendre inaccessible « promptement » tout contenu manifestement illicite qui leur est signalé. Ce délai n’est pas précisément défini mais la jurisprudence considère généralement qu’il ne doit pas excéder 24 à 48 heures.
Les plateformes doivent mettre en place des procédures de notification simples et accessibles permettant à toute personne de signaler une contrefaçon. Elles ont l’obligation de traiter ces signalements et d’informer les auteurs des suites données. En cas de retrait, le vendeur doit être informé des motifs.
La mise en place de systèmes de détection proactive
Au-delà du traitement des signalements, les grands acteurs du e-commerce développent des outils de détection automatisée des contrefaçons. Ces systèmes s’appuient sur l’intelligence artificielle et le machine learning pour analyser en temps réel les millions d’annonces publiées.
Ils se basent sur différents critères comme l’analyse des images, la détection de mots-clés suspects, le profil du vendeur ou encore le prix anormalement bas. Les annonces suspectes peuvent être bloquées automatiquement ou transmises à des équipes humaines pour vérification.
Amazon a par exemple mis en place son programme « Project Zero » qui permet aux marques de supprimer directement les annonces contrefaisantes. Alibaba utilise quant à lui un système baptisé « Intellectual Property Protection Platform » pour détecter proactivement les contrefaçons.
Ces outils, bien qu’imparfaits, permettent de traiter des volumes considérables. Amazon affirme ainsi avoir bloqué plus de 10 milliards d’annonces suspectes en 2020. Leur efficacité reste cependant difficile à évaluer précisément.
La coopération avec les marques et les autorités
La lutte contre la contrefaçon passe nécessairement par une coopération étroite entre les plateformes, les marques et les autorités. De nombreux sites ont mis en place des programmes spécifiques pour les titulaires de droits.
Le programme VeRO (Verified Rights Owner) d’eBay permet par exemple aux marques de signaler facilement les annonces contrefaisantes. Alibaba a créé l’Alibaba Anti-Counterfeiting Alliance qui regroupe plus de 180 marques internationales pour lutter ensemble contre ce fléau.
Les plateformes collaborent aussi avec les services douaniers et les forces de l’ordre. Elles leur transmettent régulièrement des informations sur les vendeurs suspects et participent à des opérations conjointes. En 2020, une vaste opération coordonnée par Europol a ainsi permis de saisir plus de 27 millions d’articles contrefaits.
Cette coopération s’étend au niveau international. Le Memorandum of Understanding signé en 2011 entre plusieurs grands acteurs du e-commerce et la Commission européenne vise à harmoniser les bonnes pratiques en matière de lutte contre la contrefaçon.
Les enjeux futurs et les pistes d’amélioration
Malgré les progrès réalisés, la contrefaçon en ligne reste un défi majeur. Les fraudeurs s’adaptent en permanence, utilisant par exemple des techniques de « dropshipping » pour dissimuler l’origine des produits ou en créant des sites éphémères.
L’essor du commerce sur les réseaux sociaux pose de nouveaux défis. Des plateformes comme Instagram ou TikTok deviennent des canaux de vente importants, mais leurs systèmes de modération sont moins développés que ceux des sites d’e-commerce traditionnels.
Plusieurs pistes sont envisagées pour renforcer la lutte :
– Le développement de technologies de traçabilité comme la blockchain pour authentifier les produits tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
– Le renforcement de la coopération internationale, notamment avec les pays d’origine des contrefaçons comme la Chine.
– L’harmonisation des législations au niveau européen et international pour éviter les failles juridiques.
– La sensibilisation accrue des consommateurs aux risques liés à l’achat de contrefaçons.
La lutte contre la contrefaçon en ligne est un enjeu majeur pour les sites de commerce électronique. Leurs obligations légales se sont considérablement renforcées ces dernières années, les poussant à mettre en place des systèmes de détection sophistiqués et à coopérer étroitement avec les marques et les autorités. Si des progrès importants ont été réalisés, le combat reste un défi permanent face à l’adaptabilité des contrefacteurs.